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« Notre système de retraite par répartition est un bien précieux et un symbole de notre nation » a rappelé Elisabeth Borne lors de la présentation de son projet de réforme des retraites. Avant d’ajouter que son « objectif est de le préserver ». Des mots pour tenter de rassurer. Car comme ses prédécesseurs, elle focalise sur le déficit. « Notre système de retraites est structurellement en déficit » a-t-elle insisté lors de la présentation de son projet, mardi 10 janvier 2023...

Ensemble pour la retraite à 60 ans

L’argument du déficit n’est pas nouveau En 1991, face au vieillissement de la population, le livre blanc des retraites privilégiait une adaptation progressive du régime de base des retraites pour « équilibrer le régime général, sans augmenter les cotisations ».

À l’époque l’ambition visait l’équilibre en 2010... Depuis 30 ans, les huit contre-réformes des retraites s’appuient toutes sur cet argument pour « sauver » le système… ou plutôt le déconstruire. Si le vieillissement de la population est une vraie question, il ne met pas en péril le système de régime de base des retraites.

D’abord parce que le système solidaire de retraite par répartition ne peut pas être en faillite grâce à la transmission instantanée des cotisations salariales vers les pensions. Mais si certains continuent à parler de faillite du système, c’est davantage l’argument du déficit qui revient pour tailler dans les droits à la retraite.

L’argument du déficit est-il valable ? Beaucoup de voix s’élèvent pour répondre par la négative. Même le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites reconnaît, qu’en l'absence de réforme, le système de retraite n’est pas financièrement en danger. En 2021 et 2022, les caisses de retraite du régime de base étaient même excédentaires respectivement de 900 millions d’euros et 3,2 milliards d’euros.




Malgré l’hypothèse d’un déficit jusqu’en 2032, le rapport du COR souligne qu’il n’y a pas de dépenses incontrôlées. Elles seraient globalement stables jusqu’en 2027 (entre 13,8 % à 13,9 % du PIB), puis augmenteraient jusqu’en 2032 (14,2 à 14,7 % du PIB) pour se stabiliser ou diminuer à partir de 2032.

Sur le long terme (d’ici 2 070), la plupart des scénarios du COR prévoient un retour à l'équilibre progressif, sans aucune réforme, entre « le milieu des années 2030 » et « la fin des années 2050 ». Quelques-uns annoncent un solde négatif sur l’ensemble de la période 2023-2070.

Un déficit insurmontable ?

Non seulement certaines hypothèses sont discutables, mais le gouvernement ne retient que les prévisions les plus pessimistes. Il omet par exemple de préciser que le déficit présenté est lié à la dégradation des ressources en raison de la chute de la masse salariale dans la Fonction publique et du gel programmé du point d’indice.

De plus, si déficit il y a, le COR écrit : « il peut être envisagé d’assurer l’équilibre financier du système de retraite, non pas chaque année, mais en moyenne sur une période donnée ». Or, en moyenne, sur les vingt-cinq prochaines années, le régime de base des retraites enregistrerait un déficit compris entre 0,1 % et 0,8 % du PIB.

Rien d’insurmontable d’autant qu’il existe un Fonds de réserves pour les retraites (FRR) qui s’élevait à 163,2 milliards d’euros fin 2021, soit 6,5 % du PIB. Celui-ci a été mobilisé pour un montant de 5 milliards d’euros en 2020, année de récession historique.

En cherchant un peu, il est clair que l’objectif est de faire des économies.

Il s’agit de provisionner 17,7 milliards d’euros afin de compenser les 13 milliards de déficits estimés ainsi que le financement des mesures de saupoudrage. Une somme certes élevée mais dérisoire comparée aux 300 milliards du « quoi qu’il en coûte » débloqués depuis deux ans.

En tout état de cause à plus long terme et malgré le vieillissement de la population, la part des dépenses de retraite serait stable, voire en diminution par rapport à la richesse nationale (PIB). Elle serait comprise entre 14,7 % (ce qui est le cas aujourd’hui) et 12,1 % toujours selon le COR.

Un montant moins élevé que celui de l'ancien CICE et sa pérennisation chaque année (+ de 20 milliards d’euros).

Alors pourquoi le gouvernement fait-il une fixette sur un système quasi à l’équilibre ? On peut trouver dans le rapport du COR un début de réponse.

Celui-ci explique que « selon les préférences politiques, il est parfaitement légitime de défendre que ces niveaux (de dépenses) soient trop ou pas assez élevés, et qu’il faut ou non mettre en œuvre une réforme du système de retraite ». Et de préciser qu’« en revanche, les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite. »

Même le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire a expliqué que si l’urgence était de trouver 17 milliards, il existait de multiples moyens de les trouver sans avoir à s'en prendre à notre système de retraites. L’ambition est aussi de rentrer dans les clous du pacte de stabilité européen. Car les dépenses de retraites en France représentent 14 % du PIB, alors que la moyenne européenne est de 10 %. Aussi, pour compenser la baisse des impôts, le gouvernement s’est engagé l’été dernier devant Bruxelles, à réaliser des réformes structurelles telles que celles des retraites afin de repasser sous la barre des 3 % de déficit d’ici 2027.

À qui va profiter cette réforme ?

Malgré le ton dramatique utilisé, ce n’est donc pas la solidité financière du système qui est en péril. Il s'agit en réalité d'utiliser les fonds dédiés à la retraite pour de nouvelles baisses d'impôts pour les entreprises ! Selon les estimations de 2021, le montant des aides publiques à destination des entreprises s’élève à plus de 150 milliards d’euros, ce qui en fait le premier poste du budget de l’État. Et cette politique va se poursuivre. Le gouvernement prévoit cette année, la suppression, au profit des grands groupes principalement, de la Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), pour un coût de 9 milliards d’euros.

Un choix politique

Le « problème » des retraites, s’il en est, n’est donc certainement pas économique.

L’État pourrait très facilement gommer le déficit une bonne fois pour toutes. Le gouvernement Macron-Borne fait le choix de sacrifier les retraites aux dépens du plus grand nombre. La motivation gouvernementale est avant tout d’ordre idéologique.

Il s’agit uniquement, comme pour la dernière réforme de l’assurance chômage, de limiter les dépenses sociales. Il n'y a donc aucune urgence ni aucune fatalité à voir grignoter le système des retraites. Au contraire, notre système de retraite a besoin d’être renforcé pour améliorer les droits et prendre en compte, par exemple, les années d’études, compenser la pénibilité ou les inégalités femmes hommes. De nombreuses pistes de financement existent, débattons-en avec les salariés !

L'intersyndicale contre la réforme des retraites appelle à une nouvelle journée de mobilisations et de grèves à travers tout le pays le 7 mars pour obtenir le retrait de cette réforme profondément injuste.